Critique: "Woody Allen: A Documentary"!

By Mehdi Umais

woodyDe Robert B. Weide avec Woody Allen, Sean Penn et Martin Scorsese

La note des Cinévores : stars

Pourquoi Woody Allen a choisi une paire de lunettes aux contours noirs et épais ? Vous avez toujours rêvé de le savoir... Et bien  foncez droit vers "Woody Allen : A documentary", plongée drolatique dans la psyché d’un des cinéastes new-yorkais les plus emblématiques de l’histoire. Entre petites confidences et retour sur une filmographie impressionnante, le scénariste et documentariste Robert B. Weide nous livre ici de nouvelles clés pour comprendre cet artiste à part qui, contre vents et marées, poursuit brillamment sa carrière. Son dernier film, "Minuit à Paris", est d’ailleurs son plus gros succès. Preuve qu’il rassemble par-delà les générations et continue, encore et toujours, de séduire son public.

Tout commence de façon classique par son enfance, dont il nous parle aux abords de sa maison natale. Des quelques pas qui le mènent au cinéma de son quartier aux planches de ses incroyables one-man-show au Village Theater, de son combat contre un kangourou à sa relation (parfois conflictuelle) avec sa mère, de ses talents précoces d’improvisateur à sa détestation de l’école (une malédiction selon lui) où il jugeait les professeurs antisémites, de sa partie de chant avec un chien à ses rêveries, Woody se raconte sans langue de bois, avec une fraicheur revigorante. Sa jeunesse, il l’observe avec ce regard mâtiné d’ironie qui fait le ciment de son cinéma. L’ère du septième art commence justement quand Clive Donner, séduit par ses nombreux passages télévisés, lui commande un scénario. A l’arrivée, Allen est outré par le résultat de son texte à l’écran et jure que lui seul sera autorisé à filmer ses histoires. C’est ainsi que nait, presque naturellement, "Prends l’oseille et tire-toi", délicieux instant d’humour qui pose les fondations de la Allen’s touch. La critique est conquise et son public se met en place. Quand arrive "Annie Hall", le monde entier le prend définitivement au sérieux mais pas lui. Il refuse d’aller aux Oscars pour jouer avec son groupe de musique et le film remporte quatre statuettes, dont celle du Meilleur Réalisateur.

Chronologie oblige, "Manhattan" débarque à Cannes et propulse Allen au rang de star internationale. Lui-même s’étonne du succès qu’on prête au film, notamment à la séquence du pont devenue carrément culte. Le comble de l’histoire ? Le cinéaste n’était même pas satisfait du résultat et avait proposé aux producteurs de leur faire un long métrage gratuit si "Manhattan" passait à la trappe. C’est que Woody Allen doute constamment et ça ne l’a absolument pas étonné de passer par la satanée période où tout le monde lui tombait dessus et rien ne lui était pardonné. Mais l’intéressé a ses ressources et ses muses, Diane Keaton et Mia Farrow en tête. Si bien que l’inspiration ne l’a jamais vraiment planté ; lui qui est persuadé qu’en faisant des films à la chaîne, quelques titres émergeront. "La rose pourpre du Caire" en fait partie et le remet sur les rails du succès. Une œuvre qui est (à elle toute seule) le reflet d’un cinéaste malheureux dans le rêve ou la réalité. Selon lui, le rêve rend fou et la réalité dépressif. Viv(r)e le cinéma, donc ! Après "Hannah et ses sœurs", nouveau succès public et critique, le tout Hollywood veut jouer dans ses films. Et les acteurs Sean Penn, John Cusack, Mira Sorvino, Scarlett Johansson, Josh Brolin, Naomi Watts, Penelope Cruz et Chris Rock nous le certifient dans ce docu.

Woody Allen aurait pu poursuivre son exploration new-yorkaise ad vitam aeternam mais a ouvert une nouvelle parenthèse à sa carrière grâce au génial "Match Point". A partir de là, il s’est ouvert l’Europe et a labouré un champ de possibles. Il faut dire que le monsieur est une machine créative performante, griffonnant des idées savantes sur tout et n’importe quoi. Dans le tiroir de la commode de sa chambre, qu’il nous fait visiter, trône un tas de notes qu’il relit religieusement. Et quand il se sent prêt à attaquer un sujet, il se dirige vers sa vieille machine à écrire (son explication du copier-coller est un trésor d’humour). O ciel, mais comment Woody Allen peut-il être à la fois si old school et comprendre à ce point l’air du temps ?

Sans être un portrait de la vie du cinéaste, "Woody Allen : a documentary" permettra au spectateur de redécouvrir des extraits de ses plus grands succès, d’apprendre que l’intéressé déteste les tapis rouges et les flashs, se remet toujours en question, comprend comme personne la névrose des femmes, peut accélérer un tournage pour aller voir les Knicks jouer... Bref, l'entreprise est délicieusement menée et ne se décline pas vraiment comme un hommage. Weide est bel et bien conscient d’une chose : tant que son sujet aura toute sa tête et toutes ses oreilles, il continuera à raconter ses histoires pour notre plus grand bonheur. Bonne nouvelle donc : à 77 ans, Woody est plus jeune et vivant que jamais !

woody collage